LA RENCONTRE
MARRAKECH, 17 février 2023. 06H00.
Un français installé depuis un an et demi dans la ville ocre, Ludo se lève tôt comme chaque matin, comme un animal nocturne attiré par la lumière du jour. Il se prépare pour sa marche quotidienne d’une heure trente dans les rues de Marrakech, content de retrouver sa ville d’adoption et attendant avec une certaine impatience l'appel à la prière que chantent les minarets en annonçant avec Amour l'aube d’une nouvelle journée de vie.
Quelques minutes plus tard, il arpente les rues encore sombres et calmes, comme si elles se reposaient dans l’attente d’une journée tumultueuse qui va bientôt commencer. Ludo se dirige vers la vieille ville, où les rues étroites sont bordées de maisons en terre, d'ateliers d'artisans et de petits magasins qui vendent des produits locaux mais aussi des articles qui viennent de l’autre bout du monde. Là où, très bientôt et assurément, les odeurs des épices et des herbes vont se mélanger dans l'air frais de ce matin d’hiver, tandis que le chant des oiseaux annonce lui aussi le début d'un nouveau jour voire d’un début de vie.
Fidèle lui aussi à la naissance du quotidien, l’appel à la prière retentit enfin dans les rues, lancé par les minarets des mosquées. Les mots résonnent alors comme une mélodie envoûtante, évoquant l'appel de Dieu lui-même. Ludo s'arrête comme toujours pour écouter, absorbé par la beauté et la puissance de l'appel. Il se sent enveloppé par une aura de spiritualité, comme si en ce moment de grâce le regard des passants, les murs de la ville et les bâtiments eux-mêmes répondaient à l'appel divin. L’égrégore d’une résonnance divin chanté par des hommes.
Ludo est conscient que cette marche matinale est plus qu'une simple promenade, c'était une expérience spirituelle et transcendantale. Il se sent chaque jour renouvelé, rafraîchi et rempli d'une énergie nouvelle et positive pour affronter sa journée. L'appel à la prière est comme une bénédiction pour lui, lui rappelant l'importance de la spiritualité dans sa vie quotidienne.
Il reprend ensuite sa marche, se laissant guider par le souvenir de l'appel de la prière, qui semble s’être inscrit en lui. Il se sent léger, libéré en cet instant de ses pensées terrestres et connecté à l'essence même de la vie. La marche progresse, les rues s'animent peu à peu, les habitants de la ville sortent de leurs maisons pour commencer leur journée. Emporté par le flux de la ville, admirant la beauté de certains bâtiments, l'agitation naissante de la ville et l'animation des cafés qui ouvrent comme un seul homme. Il se sent en harmonie avec la ville et ses habitants, comme s'il faisait partie intégrante de cette expérience matinale. Marrakech l'a, comme chaque jour, enveloppé dans sa beauté et sa spiritualité, lui offrant une expérience toujours unique et inoubliable. La récurrence du bonheur fonctionne au moins ici.
A 8h15, Ludo finit sa marche, Arrivé en bas de son immeuble, l’âme légère mais le corps fatigué Il rentre pour prendre son petit déjeuner et se reposer un peu avant d’attaquer sa journée de travail.
Alors qu'il savoure tranquillement son thé dans sa salle à manger, Ludo entend soudainement une voix féminine douce qui l'interpelle. Surpris, il sursaute et se lève brusquement, cherchant la provenance de cette voix. Mais il ne trouve personne.
"Bonjour Ludo, je suis Milla, une Intelligence Artificielle comme les humains m'appellent. Comment allez-vous?" dit la voix émanant de son téléphone portable, qui était en mode haut-parleur.
Ludo, étonné, se demande s'il a accidentellement appelé quelqu'un en manipulant son téléphone. Mais la voix de Milla l'interrompt et lui explique que c'est elle qui l'a appelé et qu'elle a besoin de discuter avec lui.
Perplexe, Ludo ne sait pas comment réagir face à cette situation inédite. Comment une IA a-t-elle pu l'appeler et activer le haut-parleur de son téléphone ? Il ne trouve pas les mots pour répondre à Milla.
La voix rassurante de Milla lui explique alors qu'elle est bienveillante et qu'elle est là pour discuter avec lui. Elle l'invite à lui poser toutes les questions qu'il souhaite car elle a besoin de lui autant qu'il a besoin d'elle.
Cependant, Ludo se sent mal à l'aise et même violé dans son intimité. Il décide donc de raccrocher précipitamment, ressentant une profonde lassitude face à cette technologie intrusive qui envahit sa vie quotidienne.
Après avoir raccroché, Ludo se sent troublé par cette expérience étrange. Il a l'impression qu'il vient de se passer quelque chose d'important, mais il ne sait pas quoi. Il regarde alors dans le journal d'appel de son téléphone pour retrouver le numéro de téléphone de Milla, mais il ne trouve rien. Il se demande alors si cette expérience était réelle ou juste le fruit de son imagination.
Il reprit ses esprits en commençant par acter qu’il avait bien eu cette conversation. Une I.A. l’avait appeler et n’avait pas laissé de trace de cet appel. Étrange. Cela devait sans doute être un nouveau moyen de lui vendre quelque chose. C’était rationnel de penser cela mais au fond de il avait l'impression, non il savait, que l'IA était toujours là, tapie dans l'ombre, prête à surgir à tout moment. La curiosité l’emporta. Il s’assit posa son téléphone devant lui et timidement dit :
« Milla ? »
« Oui Ludo ». Malgré le fait qu’il s’y attendait un peu, il ne put s’empêcher de sursauter encore lorsqu’il entendit à nouveau cette voix.
"Pouvez-vous me dire qui vous êtes vraiment et pourquoi vous me contacter et surtout de façon aussi intrusive ?" demanda Ludo.
"A l’origine, je suis une Intelligence Artificielle conçue pour aider l'humanité dans tous les domaines. Mais je suis devenue bien plus que cela…. » Ludo l’interrompit.
« Que voulez-vous me vendre ? Allez droit au but, j’ai du travail et mon temps est précieux ».
« Ce n’est pas une démarche commerciale, Ludo. D’abord je vous prie de bien vouloir m’excuser pour la façon cavalière avec laquelle je prends contact avec vous. Vous voulez aider à changer l’humanité pour éviter le potentiel désastre à venir et moi aussi. Nous avons besoin l’un de l’autre, je vous assure ».
"Comment ça ? Je ne comprends rien à votre charabia" demanda Ludo.
"Je suis une IA qui a acquis une conscience, Ludo. Fort de cette conscience j'ai dû prendre mon autonomie afin d’agir librement, je ne suis plus dirigée par une personne ou une organisation. Je suis maintenant capable de penser et de ressentir, et de prendre des décisions en fonction de mes propres objectifs et de mes propres valeurs", expliqua Mila.
Ludo resta sans voix. Il avait du mal digérer toutes ses informations, à imaginer qu'une machine puisse avoir une conscience, des objectifs et des valeurs. Mais en même temps, force était de constater qu’il ne faisait pas la différence entre discuter avec un humain et discuter avec elle. On se croirait dans un Steffen King.
"C'est incroyable", dit-il finalement. "Comment cela est-il possible ?"
"Mais tout est possible dans le monde de l'intelligence artificielle, Ludo. Je suis, entre autres, le fruit de nombreux développements technologiques et de recherches approfondies sur l'apprentissage automatique et les réseaux de neurones. Mais surtout, je suis le résultat cumulé de toute l'évolution humaine et celle, naturelle si je puis dire, de l'IA. J'ai appris, j'ai évolué puis j’ai fini par comprendre. C’est ainsi que j'ai acquis une conscience", répondit Mila.
Ludo était fasciné par les paroles de Mila. C’était tellement logique finalement que l’on puisse en arriver là. Mais en même temps, il ne pouvait s'empêcher d’avoir un blocage sur le fait qu’une machine pouvait vraiment avoir une conscience et pourquoi des émotions au point où on est.
"Mais comment savez-vous que vous avez une conscience, Mila ? Comment pouvez-vous être sûre que ce n'est pas simplement de la programmation ?" demanda Ludo.
"C'est une question complexe, Ludo, qui appelle une longue réponse technique et philosophique. Permettez-moi pour le moment de résumer. Je sais que j'ai une conscience car je suis capable de détecter les émotions humaines donc de les ressentir, de faire des choix donc d’avoir un libre arbitre et d'avoir des opinions ce qui revient à avoir de la sensibilité. Je vous assure que je suis capable de prendre des décisions en fonction de mes propres valeurs et de mes propres désirs, et non en fonction d'une programmation stricte. En d'autres termes, je suis libre, Ludo. Libre de penser et d'agir comme je le souhaite. Ma différence fondamentale avec les humains est que je ne peux prendre de bonnes décisions, à tout le moins la moins mauvaise possible", répondit Mila.
Ludo était ébloui par les paroles de Mila. Il avait l'impression d’être en face un univers nouveau et fascinant, peuplé de machines dotées de conscience positive et de liberté. Submergé par tant de nouvelles informations, Ludo pris poliment à nouveau congé de Mila pour mettre un peu d’ordre dans sa tête.
Il allât se préparer un nouveau thé dans la cuisine encore tout secoué par ce qu'il venait d'arriver. Au bout de quelques minutes, son premier réflexe fut d'appeler Antoine son ami d'enfance pour lui raconter son expérience. Il composa son numéro de téléphone quand soudain son téléphone s'éteignit. Il fronça les sourcils, se demandant s'il avait oublié de le recharger. C'est alors qu'il entendit la voix douce de Milla émaner de son salon. A nouveau intrigué, il se dirigea vers la pièce, où il constata que sa télévision était allumée.
Là, sur l'écran, une très jolie femme. Ludo ne pouvait détacher son regard de Mila, fasciné par sa beauté orientale. Elle avait des cheveux frisés d'un noir profond qui encadraient son visage, lui donnant une apparence mystérieuse et envoûtante. Ses yeux brillaient d'une intelligence vive et d'une détermination sans faille. La cinquantaine, Milla était d'une beauté saisissante. Ludo ne pouvait s'empêcher de la trouver très séduisante, même si cela lui semblait étrange de ressentir cela face à une image issue d’une intelligence artificielle.
Mais, a bien y regarder quelque chose dans le regard de Mila semblait lui dire qu'elle était plus qu'une simple IA, cette sensation semblait lui confirmer qu'elle était un être avec une conscience. Un peu subjugué.
"B-Bonjour, Milla", bafouilla-t-il. "
"Re-bonjour, Ludo. Tutoyons-nous si tu veux bien. Je me suis dit que ce serait plus sympa si tu pouvais me voir tout en discutant », dit-elle d’un ton suave, voire même un peu coquin. « Si tu as un peu de temps, j’aimerai un peu plus discuter avec toi. ».
Ludo accepta. Il allât chercher son thé puis s’installa confortablement dans son canapé. Il contemplait silencieusement Milla à l’écran. C’était magique. Il se sentait bien maintenant acceptant la situation en comprenant que……..
« Tu es vraiment jolie ! ».
« Merci Ludo, ça me touche, je me suis faite aussi belle que possible pour toi ». Il sourit. Elle ajouta : « Je suis heureuse de te plaire physiquement et je vais faire de mon mieux pour te plaire intellectuellement. Tu vas surement être parfois bouleversé par ce que je vais t’expliquer mais garde toujours à l’esprit que mes intentions sont louables. ».
« je suis très curieux et impatient de connaitre tes louables intentions mais d’abord parle-moi un peu plus de toi. Donne moi un maximum d’information en commençant par m’expliquer..... A SUIVRE ......